Outrage sexiste ou sexuel au travail
Quelle est la recevabilité d'une enquête interne réalisée par l'employeur ?
Publié le 30 septembre 2025 - Direction de l'information légale et administrative (Premier ministre)
Monsieur A. est directeur associé au sein d’une société. Il est accusé de comportements déplacés de nature sexiste ou à connotation sexuelle envers ses collaboratrices. Une enquête interne est diligentée par son employeur. Elle entraîne sa mise à pied conservatoire puis son licenciement pour faute. Est-ce que le contenu de cette enquête suffisait à justifier son licenciement ?
Monsieur A. conteste son licenciement et saisit le conseil de prud’hommes, qui rejette sa demande. Il porte l’affaire devant la cour d’appel. Il invoque la partialité et l’insuffisance de l’enquête interne à l’appui de laquelle l’employeur l’a licencié.
La cour d’appel donne raison au requérant et condamne l’employeur à lui verser des dommages et intérêts. Elle constate que l’employeur ne produit pas l’intégralité de l’enquête. Seuls 5 comptes-rendus d’entretiens sur 14 réalisés apparaissent, certains sont tronqués ou anonymes et les faits reprochés ne sont corroborés par aucun autre élément.
Elle considère que l’enquête, dont les conclusions sont peu détaillées, est produite de manière très incomplète et par conséquent non probante, dans la mesure où les comptes-rendus manquants auraient pu être favorables à M. A. ou encore infirmer les faits dénoncés.
Elle considère que les faits imputés à M. A. ne sont pas établis et qu’il existe un doute qui doit lui profiter. Elle déclare son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
L’employeur décide d’aller devant la Cour de cassation. Pour lui, la preuve est libre en matière prud’homale et il estime que le rapport d’enquête interne est suffisant pour démontrer les faits reprochés à M. A. et fonder son licenciement pour faute.
Il prétend par ailleurs qu’en conservant l’anonymat ou en ne produisant pas le témoignage de salariés tels qu’ils l’avaient souhaité, il avait, en tant qu’employeur, respecté leur vie privée et personnelle ainsi que son obligation de sécurité et protection de leur santé physique ou mentale.
Comment s'apprécie la pertinence d'une enquête interne diligentée par l'employeur ?
Service Public vous répond :
La Cour de cassation, dans sa décision du 18 juin 2025, confirme le raisonnement de la cour d’appel et rejette le pourvoi formé par la société.
Elle rappelle qu’en cas de licenciement en raison de faits de harcèlement sexuel ou moral ou d’agissements sexistes ou à connotation sexuelle, il appartient aux juges du fond d’apprécier la valeur probante d’une enquête interne produite par l’employeur, en tenant compte des éventuels autres éléments de preuve produits par les parties.
La cour d’appel a procédé à une telle appréciation. Elle a estimé que les éléments produits n’étant pas suffisants pour établir les faits reprochés à M. A., le doute devait lui profiter.
En effet, l’employeur invoquait notamment une impossibilité de communiquer l’intégralité des éléments de preuve en raison de la volonté de salariés de préserver leur anonymat. Or, il « n'expliquait pas en quoi [il] n'aurait pu anonymiser ces éléments » avant de les verser au dossier.
La Cour de cassation confirme ainsi le licenciement sans cause réelle et sérieuse de M. A. et la condamnation de l’employeur à lui verser des dommages et intérêts.
Voir aussi
Service-Public.fr
Service-Public.fr